Interview exclusive : « plaustrum cadamium nous manipule »

Vertes, jaunes, rouges, noires, bleues et même parfois oranges, roses ou bariolées ; elle font entendre leur chant monotone en ce mois de juin 2022. Mais y prêtons-nous encore attention ? Et pourtant, s’il est une espèce dont nous pouvons prédire la disparition dans un futur relativement proche, c’est bien elle : la voiture.

À l’occasion des Cabrones Days qui ont lieu dans la plaine des Riaux ce week-end de canicule, nous avons rencontré Emma Cadam, éthologue spécialisée dans les comportements automobiles, dont le dernier ouvrage intitulé « Quand notre cœur fait vroum » (édité aux Presses Universitaires de Monte Carlo, 745 pages) a remporté un franc succès. Et c’est avec plaisir et facétie que nous vous rapportons cette entrevue.

Ma première question sera double : pouvez-vous nous expliquer ce qui vous a poussé à vous intéresser à cette espèce déjà bien connue qu’est la voiture ? N’aviez-vous pas peur que tous soit déjà dit sur ce sujet ?

Portrait de l'interviewée
Dr Emma Cadam, lors des Cabrones Days au Creusot


Emma Cadam : « Et bien en fait c’est arrivé un peu par hasard, ou plutôt par suite logique. J’ai une formation classique d’éthologue et c’est vrai que lors de nos premières années de fac l’étude de l’espèce automobile constitue en quelque sorte le b-a ba et je ne pensais pas y revenir. Pendant l’écriture de ma thèse je me suis penchée sur les phénomènes parasitaire inter-espèces, c’est à dire les interactions reliant plusieurs espèces ensembles, où l’une vit au dépens de l’autre. »

Pouvez-vous en donner un exemple simple pour éclairer nos lecteurs s’il vous plaît ?
EC : « Mmmm bien sur. Il existe par exemple un phénomène assez curieux qui pousse certaines fourmis à s’offrir en sacrifice aux moutons en grimpant sur les hautes herbes de bon matin : ce comportement relève en fait d’une manipulation de la fourmi par un parasite : la petite douve du foie, de son nom latin dicrocoelium dendriticum. »

Un vrai poème…
EC :
« N’est-ce pas ! Je vous passe des détails : pour se reproduire la douve doit être avalée par un mouton, donc, une fois dans la fourmi (et après avoir transité par un escargot) la douve, qui est une minuscule larve, prend le contrôle de la fourmi et lui ordonne d’aller toutes affaires cessantes se poster sur des herbes hautes afin de favoriser ses chances d’être avalée par un mouton broutant par-là. »

Incroyable ! Et est-elle meilleure qu’une autre fourmi ?
EC :
« Pardon ? »

Eh bien oui, si le mouton la mange c’est qu’elle est particulièrement savoureuse non ?
EC : « C’est cela oui… mais revenons à nos moutons ! (rire gêné) C’est un phénomène assez mal documenté car découvert depuis peu, et pourtant ce genres d’exemples d’organismes piratant un autre système vivant semble relativement courant dans le règne animal, et végétal aussi d’ailleurs. »

On a du mal à voir le rapport avec la choucroute…
EC :
« C’est très simple : j’ai fini par me poser cette question : Et si l’humain était lui aussi victime d’un parasitisme de ce genre ? »

Nous serions donc des parasites pour le système Terre…?
EC :
« Vous n’y êtes pas du tout : je vous parle du fait d’être nous-mêmes parasités. Si l’humain était réellement un parasite de la terre, il chercherait à maximiser les conditions de sa survie, pas à détruire totalement son hôte. »

… (silence gêné)
EC :
« Je me suis donc questionnée sur l’existence potentielle de parasite similaire chez l’humain et en effectuant des tests j’ai découvert un organisme encore inconnu ! J’ai baptisé cet organisme plaustrum cadamium ou douille du striatum. En effet c’est une espèce de parasite qui va se loger dans le striatum humain d’où il prend les commandes de notre volonté pour servir son hôte définitif dans lequel il va se reproduire. »

…la voiture !
EC :
« Mais ouiii, vous voyez, quand vous voulez ! La voiture donc. C’est forte de cette découverte que je me suis lancée dans l’écriture d’un livre dédié à ce microscopique parasite. »

…livre dont je rappelle le titre à nos lecteurs et lectrices : Quand notre cœur fait vroum. Vous serait-il possible de nous faire un petit résumé de vos conclusions ?
EC :
« L’être humain se fait manipuler par la douille du striatum au même titre que la fourmi par la douve du foie de mouton ! »

Grand dieu ! Mais quel rapport avec la voiture ?
EC :
« Eh bien il s’avère que, tout comme dicrocoelium dendriticum cherche à se reproduire dans le foie d’un mouton, plaustrum cadamium fait tout pour se reproduire dans une atmosphère riche en CO₂ et surchauffée. »

Comme l’habitacle d’une clio noire laissée en plain soleil cet après-midi ?
EC :
« Exactement. Et tenez-vous bien : ce parasite agirait en fait pour son propre compte et pour celui de la voiture. En effet, la voiture pour se reproduire a elle aussi besoin de l’humain. Vous vous rendez compte ? C’est un partenariat totalement unique dans le règne du vivant ! Un parasite qui nous pousse à surchauffer notre atmosphère en mettant en place tout un réseau destiné à satisfaire une espèce en lui fournissant coûte que coûte toujours plus d’alimentation, d’espace vital et une reproduction régulière et sûre ; et tout ça sans même que nous ayons conscience d’agir contre notre intérêt ! »

C’est assez perturbant… Comment expliquez-vous que personne ne s’en soit aperçu avant ?
EC :
« Et bien j’ai une explication fort simple qui tient en deux points : n°1 : plaustrum cadamium génère des pertes de mémoire chez son hôte concernant toute information susceptible de mener un individu à sa découverte. Et n°2 : selon mes sources au moins 87% de la population mondiale est touchée par ce parasite. »

C’est dingue !
EC :
« N’est-ce pas, et vous ne savez pas tout ! Ce que nous considérons comme notre histoire avec un grand H n’est peut-être qu’invention parasitaire ! De même que nos bras ne sont sans doute que des protubérances destinées à servir le destin du vrai maître et possesseur du monde, j’ai nommé : La douille du striatum. »

La douille du quoi ?
EC :
« Ah, le point n°1 se vérifie encore une fois. Pour approfondir la compréhension de ce qui est sans doute la plus grande, peut-être même la seule et sans doute la dernière découverte de l’humanité j’invite toutes nos lectrices qui savent encore à ce moment de la lecture de quoi nous parlons, d’acheter mon livre Quand notre cœur fait vroum. »

Propos recueillis par Harry BOLLAIN

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